La communication de crise est morte, vivent les relations publiques de crise !

La communication de crise est morte, vivent les relations publiques de crise !

Article publié par l'Observatoire Géostratégique de l'information, mai 2013 (IRIS) et sur www.communication-sensible.com, magazine de la communication de crise et sensible | Directeur de la publication: Didier Heiderich - Publication Editeur : Observatoire International des Crises (OIC) - ISSN 2266-6575

Par Natalie Maroun et Didier Heiderich

"Il est ainsi surprenant de constater que l’un des principaux moyens utilisés en entreprise pour affronter les crises réside dans le recours à la préparation d’argumentaires et l’organisation de média training de crise pour les principaux porte-parole identifiés" , Thierry Libaert

La mise à mort de la communication de crise

Le 24 mai 2011, la France se réveille sous le choc. A New York, Dominique Strauss-Khan, Président du FMI et donné comme le candidat de la gauche pour l’élection présidentielle est arrêté, accusé de viol. La nouvelle fait le tour du monde, et envahit très rapidement les réseaux sociaux et les chaînes d’information en continu. Sur les écrans, et dans les pages, on raconte 24h sur 24 la chute d’un homme de pouvoir, et on prépare sa mise à mort médiatique et politique. L’ « incident » est pourtant clos et en attendant la comparution de l’accusé devant le juge, les médias manquent cruellement d’informations. L’anecdote, l’opinion, les hypothèses et les commentaires deviennent alors information. Pour meubler le temps de diffusion, tout est décortiqué jusqu’au menu du petit déjeuner de l’accusé dans sa cellule. Tout est prétexte pour donner « priorité au direct » ou pour devenir « breaking news ». Le zapping continu entre les anecdotes, construites comme autant de rebondissements, dans une mise en scène de l’information, annonce déjà la mise à mort de la communication de crise responsable, en la plaçant du côté des émotions.

Quelques mois plus tard, 18 septembre 2011, Dominique Strauss- Khan, de retour en France est interviewé dans le 20h de TF1. Dans cet entretien, finement orchestré, DSK « se confesse », et s’accuse de « faute morale ». Son interview est décortiquée mot par mot, analysée plan par plan, elle est même notée . Après la prestation médiatique, arrive le temps des consultants, dont les analyses, parfois cosmétiques, sont relayées comme une source d’information. L’affaire DSK bouleverse les codes et le fonctionnement de la communication qui devient un événement comme un autre. Le méta-discours remplace petit à petit le discours lui-même. La « communication sur la communication » n’a alors d’autre effet que d’anéantir la communication de crise. Dans une société de l’information de plus en plus interconnectée, on ne saurait omettre de notre équation les commentaires sur les réseaux sociaux et les billets de blogs de « publics voyeurs ». Contrairement aux journalistes (dont l’information est le métier), les publics se placent dans une logique d’incessants affrontements, où chacun tente de s’emparer d’un événement, et dans un fonctionnement horizontal propre au Web, de s’adonner à une analyse de la « com de crise ». Il y a moins de 10 ans, la communication de crise avait un statut d’OCNI (objet communicationnel non identifié), elle est désormais un sujet à la mode.

Un autre phénomène est lui aussi désormais à la mode : les communicants de crise. Autrefois conseillers de l’ombre, empruntant les portes dérobées et qu’on consultait en catimini comme les psy, ils sont devenus des stars. On peut lire leurs portraits dans la presse, voir leurs photos partout, c’est-à-dire même dans la presse people. Et pourtant, leur seule présence aux cotés de personnalités mises en cause ne suffit-elle pas à décrébiliser le métier ? Comment peut-on croire un homme politique ou une personnalité publique si l’on sait que sa stratégie communicationnelle, ses mots (éléments de langage), ses gestes et même la couleur de sa cravate ou le choix des boucles d’oreilles sont préparés par toute une équipe. Tout ceci est faux semble nous dire la communication de crise, mais vous devez y croire. Pourtant, le public averti (et qui ne l’est pas ?) semble avoir compris que derrière la communication de crise « de masse », l’enjeu n’est plus de convaincre un large public mais d’occuper les devants de la scène. Les prestations médiatiques se ressemblent de plus en plus. On ne retient d’un passage télévisé d’une personne mise en cause que sa présence sur nos écrans, et accessoirement un élément de langage ou deux. Les analystes et autres commentateurs se chargent du reste. Comme l’ouroboros, la communication de crise, en s’auto-analysant annonce sa propre fin. De nouveaux paradigmes sont nécessaires si la communication de crise veut s’attacher à son objectif premier : protéger les enjeux vitaux d’une organisation, d’une entreprise ou relatifs à une personne.

La levée de l’incrédulité : de la communication de crise aux relations publiques de crise

Nous partons d’un postulat simple. La communication de crise se double désormais d’un nouvel obstacle : lever l’incrédulité des publics. Cette ambition, nous la retrouvons dans les principes des relations publiques. Plutôt qu’une communication de masse ou médiatique, la communication de crise devra s’adapter de plus en plus finement aux différents publics, parfaitement différenciés par strates - simples publics, parties prenantes, alliés et adversaires - et mettre fin à l’idée d’une réponse unique dans un monde unique. S’intéresser à la sociologie des publics, dans sa complexité afin de créer une relation singulière avec chacun est un défi. Prioriser et hiérarchiser les publics, la communication de crise s’y est pourtant attachée depuis ses débuts. Ce qui change aujourd’hui, avec la nouvelle donne médiatique, c’est justement de se détacher de la tyrannie des médias. Si nous parlons de publics, ce n’est pas comme cibles potentielles d’une action de communication, mais comme acteurs avec chacun leurs temporalités, leurs fonctions (y compris celles d’opposants) et leurs attentes. En effet, la communication de crise ne peut plus se permettre d’être balistique. Dans un monde où l’information est co-construite, il devient nécessaire d’appréhender les publics dans leurs fonctions et de construire la communication avec leur aval. C’est uniquement de la sorte que les publics cesseront d’être désignés comme une masse uniforme qu’on vise dans une prestation impersonnelle. Ce n’est que public par public que nous pourrons tenter de lever l’incrédulité. Plus discrète, la communication de crise établie sur le modèle des relations publiques de crise pourra se soustraire aux commentaires : une condition nécessaire pour son bon fonctionnement mais pas suffisante car les opérations en communication devront être également holistiques.

Pour une méthode holistique de la communication de crise

Une crise n’est jamais orpheline. Elle nait et se nourrit de l’environnement sensible et parfois anxiogène qui l’entoure. Les publics de leur côté n’appréhendent plus la crise de quelle que nature qu’elle comme un phénomène isolé, mais comme un maillon dans une chaine constituée de dysfonctionnements, de fragilités et souvent de mensonges. Dans ce contexte de plus en plus complexe, il devient nécessaire de penser une crise sans tomber dans l’artifice de la simplification que ce soit dans l’analyse des événements ou dans la réponse à donner. Construire la communication de crise revient alors avant tout à considérer les publics dans des rapports intimes. Tel est le paradoxe d’une approche holistique : il faut à la fois comprendre la situation et son contexte et répondre par « petits blocs », avec de multiples micro- communications, ciblées, précises, chirurgicales. A chaque étape, la communication devra être consentie, par chacun des publics concernés, dans le respect de ses temporalités, de ses émotions, de son histoire et de ses attentes. Construite avec l’aval des publics, la communication s’éloigne de la conception monolithique actuelle et que les « publics voyeurs » s’occupent à en démonter le fonctionnement. Et paradoxalement, parce qu’elle se défait des publics inutiles, elle sera un gage de transparence pour celles et ceux qui sont réellement concernés par la crise. En somme, la gageure que devra relever une communication de crise responsable, c’est d’être consentie, en confrontation directe avec les parties prenantes, dans une relation durable qui caractérise le « Slow PR » .

Natalie Maroun et Didier Heiderich

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Photo de Johannes Plenio

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