Les relations publiques de crise. Une nouvelle approche structurelle de la communication en situation de crise

Les relations publiques de crise. Une nouvelle approche structurelle de la communication en situation de crise

Extrait de l'article publié en 2014 sur www.communication-sensible.com

Magazine de la communication de crise et sensible | Directeur de la publication: Didier Heiderich - Publication Editeur : Observatoire International des Crises (OIC) - ISSN 2266-6575 

« Il faut de l’ombre et de la lumière pour dévoiler les choses », Serge Daney

Face à la complexité croissante des crises, à la défiance des publics, la vitesse de propagation de l’information, à la structure protéiforme de l’opinion, la communication en situation de crise ne peut plus se satisfaire d’une réponse linéaire, mécanique, mais demande une approche nouvelle en phase avec les nouveaux paradigmes de la société.

L’origine de l’idée Elle repose sur trois observations que nous avons réalisées à l’Observatoire International des Crises, dans le même temps que nous avons engagé des travaux en 2000 qui ont abouti à créer les principes et méthodes de « la communication sensible ».

1 - L’obsolescence des principes et méthodes de la communication de crise

Née, il y a 20 ans, la communication de crise a trouvé ses fondamentaux à une époque où la communication était essentiellement balistique, faite à coup de communiqués de presse, de prises de parole, de messages clés, de notes internes, d’interpellations et de passages savamment orchestrés dans les médias. Cette vision mécanique et brutale de la communication en situation de crise est obsolète. La pluralité des acteurs confrontés à la crise, des oppositions, le morcellement de l’opinion, la généralisation des réseaux sociaux et des affrontements, l’observation même de la communication par des commentateurs, exigent des réponses à la fois globales et d’une précision extrême.

Toute crise révèle un halo sensible, que la communication de crise « massue » ne traite pas, où mal. Pour Thierry Libaert « La communication d’entreprise serait bien inspirée par un retour aux fondements et à redécouvrir la notion de relation dans ses aspects d’échanges, de concertation, voire même de confrontation avec ses publics. La proximité est une condition nécessaire à la crédibilité et aucune communication ne résoudra le problème de la distanciation sans un dialogue direct. » Eyun-Jung Ki et Kenon A Brown de l’Université d'Alabama, appuient cette vision en citant une étude de Brown & White (2011) : « gérer et entretenir des relations positives avec les publics est plus important que d’utiliser une réponse stratégique à la crise. »

2 – Des publics acteurs de la communication de crise

Il n’y a plus un public, mais des publics devenus acteurs à part entière de la communication de crise. Si le « two-step flow » (1955 – Katz et Lazarsfeld) ne peut pas être écarté, notamment dans la logique médiatique, il n’en demeure pas moins la notion médiatique change de paradigme : il ne suffit plus de s’adresser aux médias, de convaincre des leaders d’opinion, pour qu’une communication de crise soit effective. Aujourd’hui, le contrat communicationnel a muté dans une co-construction où chacun est acteur de la communication. Souvent, cette co-construction est assimilée à l’usage des réseaux sociaux : mais ce serait faire abstraction de l’horizontalité de la société qui accompagne la révolution numérique. Le « two-step flow » qui fêtera ses 59 ans en 2014, correspondait à une époque à l’instituteur, le curé, le journaliste et l’ingénieur étaient respectés : dans la société liquide dans laquelle les liens se font et se défont décrite par le sociologue Zygmunt Bauman, il y a autant de leaders d’opinion que de groupes sociaux et de sujets, où les alliances se font et se défont, au grès de la satisfaction immédiate d’objectifs de plus en plus individualisés et d’un planning instable.

A cela, il faut ajouter le discrédit qui pèse sur la communication : toute action identifiée comme un « jeu de la communication » est immédiatement rejetée par les publics. Ainsi, les « éléments de langage », le media training, le communiqué de presse ne suffisent plus à rendre audible un message. La structure du message « Empathie / Faits / Actions / Rendez-vous » vole en éclat. Ne serait- ce parce que une organisation en crise manque souvent et singulièrement de légitimité pour exprimer de l’empathie pour les victimes. Cette légitimité ne se trouve plus dans des mots, mais dans des actes liés à la gestion de la crise et la relation avec les personnes impactées par la crise.

3 – Etablir la confiance exige une réponse relationnelle à une crise

Les publics sont de plus en plus méfiants envers les entreprises, les institutions et les personnalités. N’ayant plus à faire à une opinion, mais à des opinions, il appartient aux services de communication de s’adresser spécifiquement à ces publics dans une relation bilatérale : « Nous partons d’un postulat simple. La communication de crise se double désormais d’un nouvel obstacle : lever l’incrédulité des publics. Cette ambition, nous la retrouvons dans les principes des relations publiques. Plutôt qu’une communication de masse ou médiatique, la communication de crise devra s’adapter de plus en plus finement aux différents publics, parfaitement différenciés par strates - simples publics, parties prenantes, alliés et adversaires - et mettre fin à l’idée d’une réponse unique dans un monde unique. » La plupart des observateurs qui ne traitent pas de « crises à chaud », ne voient que les crises médiatisées, connues du grand public et, finalement, commentent les crises auxquels ils ont accès ou la partie visible d’un iceberg qui recèle en général un travail relationnel bien plus intense que quelques tweets ou interviews dans la presse : c’est pourquoi la plupart s’égarent, évoquent uniquement des problèmes de réputation, dont très souvent ils donnent une définition floue, lorsqu’elle n’est pas baroque, jusqu’à mettre en avant des principes éthiques, sans savoir que l’éthique possède autant d’approches que de publics : l’éthique désigne la façon dont il faut se comporter dans un groupe social, ce qui est relatif à la culture du groupe social, ce qui interdit toute vision homogène ou statutaire. Ainsi, la question de la communication de crise ne peut reposer sur le postulat de la réputation, et en ceci la « eReputation », terminologie qui influence nombre d’acteurs et par conséquent des principes qu’ils édictent, devrait laisser une place à la notion complémentaire et indispensable de « eTrust », de l’établissement de la confiance, pour ne pas se tromper d’objectif. Le travail qui permet de « verrouiller les objectifs » de communication de crise, sur la base de la confiance, procède avant tout d’intenses transactions avec les différents publics, de relations publiques de crise (RPcrise) qui englobent une part de communication de crise. Les relations publiques de crise, pour lever l’incrédulité des publics, nécessitent de dépasser l’idée erronée d’une réputation qui pourrait être globalisée, pour lui substituer la réputation perçue par un groupe social, afin d’atteindre les objectifs de communication : « l’identification sociale favorise le comportement coopératif en situation de dilemme, ce qui ne vaut que pour le groupe d’appartenance. » Etre accepté dans un groupe social, lever l’incrédulité, construire de la confiance passe d’abord et avant tout pas la relation. Dans ce cadre, la réputation ou l’e-Réputation de crise sont des principes réducteurs, qui limitent le contrat communicationnel à une opinion positive (évaluation sociale), alors que c’est un préalable nécessaire mais insuffisant pour établir la confiance. Et obtenir la confiance est l’étape nécessaire pour lever les barrières de l’incrédulité, créer les conditions de la confiance, obtenir un « comportement coopératif » et remplir les objectifs fixés par la gestion de la crise : alerter, protéger, reconstruire et éviter le risque de normalisation externe (perte de marché, perte d’investisseurs, perte d’électeurs, perte de leadership de la direction,...). Il n’en demeure pas moins que certaines crises exigent des actions conjuguées, et que les relations publiques de crise, recèlent une part de communication de crise « classique ».

Natalie Maroun et Didier Heiderich

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Photo : © Kaleb Tapp

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